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23 juillet 2008 3 23 /07 /juillet /2008 21:02

Les contes et les devinettes

 

Ipuinak edo alegiak

S’il fallait donner une vue d’ensemble des contes folkloriques de la littérature basque, nous penserions à la classification suivante:

— Les contes mythologiques, réminiscences de religions pré-chrétiennes.

— Les contes diaboliques, qui font allusion à la sorcellerie.

— Les contes merveilleux, qui se présentent comme des contes de fées.

— Les contes burlesques ou satiriques.

Mais dans cet ouvrage, seule la formulation traditionnelle du récit basque en général retiendra notre attention.

 

Pour annoncer, présenter et terminer les contes

 

Dans l’ancienne société paysanne basque, les conteurs jouissaient probablement d’une certaine célébrité, comme c’est le cas actuellement pour les bertsulari. Ceci pourrait déjà expliquer la naissance et la conservation des formules qui permettent notamment d’entrer en matière, de conclure ou même de se dérober aux sollicitations d’un auditoire. Car il faut d’abord imaginer une assemblée de gens, assis par exemple devant le foyer, et qui voudraient décider un conteur à se manifester...

 

Formules préliminaires versifièes

 

115- Ixtorio-mixterio, (33)

Dakienak kondadio!...

Histoire-mystère,

Celui qui sait, raconte!...

 

Variante plus longue

Ixtorio - mixterio, (33)

Zaharrak ederkio,

Berriak hobekio,

Dakienak kondadio!...

Histoire, mystère,

Les anciennes, plus belles,

Les nouvelles, meilleures,

Celui qui sait, raconte!...

 

(33) Ce redoublement avec m existe aussi dans le langage courant. Ixtorio-mixterio qualifie alors un récit rocambolesque ou invraisemblable. On emploie également cette expression pour se moquer des gens qui ne savent rien raconter sans essayer de mystifier leur auditoire

Source: mes souvenirs d’enfance, de 1920 à 1930, famille Broussain/Harguindeguy, épicerie-auberge de Lécumberry.

Maison Duny Lecumberry 1933Dunienia etxea, Lekunberrin, 1930

Formules d’introduction

 

Le conteur, en prenant la parole, utilise aussi quelques phrases consacrées par l’usage, et que l’on retrouve souvent dans les recueils les plus anciens. Cela correspondrait à l’expression française : Il était une fois... Voici quelques exemples:

116- Ardura, mundu huntan

gertatzen den bezala,

etxeko jaun batek

bazituen bi seme...

Comme il arrive souvent

en ce monde,

un maître de maison

avait deux fils...

 

117- Orai duela aspaldi,

bizpahiru etxe bezik

etzen Eihalarren...

Cela fait longtemps à présent,

il n’y avait que deux ou trois maisons

à Saint-Michel...

 

118- Beste orduz,

bazen gure herrian,

gizon zahar okitu bat...

Autrefois, il y avait

dans notre village

un vieil homme décrépit...

 

119- Behin batez,

Haizetegiko (34) nausia

joan zen merkaturat...

Une fois,

le maître d’Haizétéguy (34)

se rendit au marché...

 

(34) Haizetegi: littéralement, la demeure du vent. Expression burlesque, souvent utilisée pour se moquer d’une maison en mauvais état et sans valeur.

Source: mes souvenirs d’enfance, de 1920 à 1930, famille Broussain/Harguindeguy, épicerie-auberge de Lécumberry.

Emaztea ferretarekin 14

Formules de conclusion

 

Pour terminer son histoire merveilleuse, le conteur se servait souvent d’une phrase qui rappellerait l’expression française: «Et désormais, ils vécurent très heureux et eurent beaucoup d’enfants.» Les formules classiques basques apparaissent de la même façon à la fin des récits:

120- Eta ongi bizi izan balinbaziren,

arabera hartarat hil ziren.

Et s’ils vécurent bien,

ils moururent de même...

 

Autre genre de conclusion:

121- Eta geroztik,

zorionean bizi izan ziren
J
ainkoak daki zonbat urtez.

Et par la suite,

ils vécurent dans le bonheur

pendant Dieu sait combien d’années...

 

Emazteak astorekin

 

Formules de refus

Lorsque le conteur est fatigué ou que son répertoire est épuisé, il se sert de quelques phrases traditionnelles, plus ou moins burlesques, pour exprimer son désir de s’arrêter.

 

122- Behin batez, baziren bi bele.

Batek zuen buztan handi bat.

Besteak, buztan ttipi bat.

Buztan ttipi zuen harek,

izan balu handia,

ene istorioa izanen zen luzea.

Bainan ttipia baitzuen,

ene ixtorioa ere izanen da laburra,

eta hortan gelditzen da.

Une fois, il y avait deux

corbeaux. L’un d’eux avait une

grande queue. L’autre,

une petite queue. Si celui qui

avait une petite queue l’avait

eue grande, mon histoire

aurait été longue.

Mais comme il l’avait petite,

mon histoire aussi sera courte,

et elle se termine là-dessus...

 

Autre formule de refus :

123- Orai duela aspaldi,

errege batek bazituen hiru alaba.

Beztitu zituen gorriz...

Nahi duzia berriz? (35)

Cela fait longtemps à présent,

un roi avait trois filles.

Il les avait habillées de rouge...

Voulez-vous que je

recommence...?

 

Sous une forme versifiée, le refus suivant est encore plus expéditif et constitue en somme une réponse négative à une demande supposée de l’auditoire:

124- Ixtorio-mixterio, latz!...

Berrehun zorri eta mila partz...

Burian ditienak, eginen du hatz!...

Histoire-mystère, épouvante!...

Deux cents poux et mille lentes...

Celui qui les a sur la tête aura des démangeaisons.

 

(35) Beztitu zituen gorriz... Il les avait habillées de rouge... Nahi duzia berriz? Voulez-vous de nouveau? Présentée de cette façon, la formule se termine, si l’on veut, par deux vers qui ont des rimes en riz.

 

Herburua

Vallée de Lecumberry, Herburua, 1936 urtea

 

125- Mediku gaztea, le jeune médecin, un exemple de conte merveilleux :  

 

Nous allons montrer maintenant, à l’aide d’un exemple concret, comment se récite un conte basque muni de sa présentation, de son introduction et de sa conclusion.

 

Ixtorio-mixterio,

Dakienak kondadio!

Ardura mundu huntan gertatzen den bezala, bazen Behorlegin artzain seme bat. Mutiko hua, biziki argindun izanik, igorri zuten ikastegi handie-netarat, eta hantik ateratu zen mediku. Ordian, mendi xoko hortan, zer espantiak gure artzainaren etxian!...

Hantik laster, bere lanaz bizi beharrez, sendakin gazte hua joan zen Pariserat, ustez-eta han bilduko ziela errexki ontasun eder bat. Bana hiri nausi hortan etzen batere ezagutia. Jakitate anitz ukanikan ere zer eginen zien hango mediku famatien artian, eta jin berria izanik? Egia erteko, Jaun arrotz horientzat etzena betikotz egonen eskualdun artzain baten seme txar bat?

Arrunt etsitia zen gaizo mutikoa, sos bat ezin irabaziz, noiz eta ere intzun baitzien Erregiaren alaba eri zela. Arrain hexur gaixto bat bere zintzurrian gelditu zen, eta nehork etzakon bota arazten ahal. Alta, Pariseko mediku aipatienak deitu zituzten andere horren sendatzeko, bana beti debaldetan. Azkenian, zakutik edo zorrotik kinka tzar hortarik ateratu beharrez, erregiak jin arazi zien bere jauregirat gure mediku gaztia. Hunek, ez jakinik xuxenki zer egin, egon zen zut-zuta gelaren erdian, zinezko ergel bat iduriz, eta erran zakon nexkato eriari: «Araiz badakizu, Anderia, artzain handi baten semia nizala, eta ikasi dutala sendakintza Garaziko unibersitate nausian! Beraz, salatu behar dauzut ardi-kakarekin bezik etzitutala artatuko... Hea hunat! Idekazu ahoa zabal-zabala, eta oihu egizu enekilan: «Mee, mee ! Ardi-kaka mehe !...»

Mintzaldi bitxi hori intzun orduko. Erregien alaba hasi zen irriz karkailan, eta azkenian, eztul-aldi izigarri baten ondotik, botatu zien arrain hexur madarikatu hua. Hortan, mediku gaztia besarkatuz, harekin joan zen erregiaren ikusterat, erranez behar ziela ezkondu holako gizon jostakin eta jakintsun batekin. Aitak ere xoratia izanik, onhartu zien gogotik bere alabaren galdia. Handizki egin zituzten ezteiak, bazterrak oro harrotuz sekulako azantzetan, Behorlegitik Pariserano, herri guzia harritia zelarik! Uste duzien bezala, zernahi ontasun edo zorrion ukan zuten geroztik.

Eta ongi bizi izan balinbaziren, arabera hartarat hil ziren.

 

Lavandières Pont-neuf, Picabea

 

Histoire-mystère,

Celui qui sait raconte!

Comme il arrive souvent en ce monde, il y avait à Béhorléguy un fils de berger. Ce garçon étant très intelligent, on l’envoya dans les plus grandes écoles, et de là il sortit médecin. Alors, dans ce coin de montagne, que de vantardise à la maison de notre berger!

Peu de temps après, obligé de vivre par son travail, ce jeune docteur s’en alla à Paris, pensant que là-bas il amasserait rapidement une belle fortune. Mais dans cette capitale, il n’était pas du tout connu. Bien qu’ayant beaucoup d’instruction, qu’allait-il faire parmi des médecins renommés, étant un nouvel arrivant?

Pour dire vrai, à l’égard de ces messieurs étrangers, n’allait-il pas toujours rester le fils insignifiant d’un berger basque?

Le pauvre garçon était complètement désespéré, ne pouvant gagner un sou, lorsque tout à coup il apprit que la fille du roi était malade. Une mauvaise arête de poisson était restée dans sa gorge, et personne n’arrivait à la lui faire rejeter.

Pourtant, les médecins les plus célèbres de Paris avaient été appelés pour guérir cette demoiselle, mais toujours vainement. A la fin, voulant à tout prix sortir de ce mauvais pas, le roi fit venir dans son château notre jeune docteur. Celui-ci, ne sachant pas au juste ce qu’il fallait faire, demeura planté au milieu de la chambre, comme un vrai niais, et déclara à la fille malade : «Evidemment vous savez, Mademoiselle, que je suis le fils d’un grand berger et que j’ai appris la médecine dans la plus grande université du Pays de Cize! Par conséquent, je dois vous révéler que je ne vous soignerai qu’avec des crottes de brebis... Voyons ici ! Ouvrez la bouche largement et criez avec moi: «Méé, méé ! Menu crottin de brebis!»...

Dès qu’elle entendit cet étrange discours, la fille du Roi se mit à rire aux éclats et, finalement, après une terrible quinte de toux, elle rejeta cette maudite arête de poisson.

Là-dessus, ayant embrassé le jeune médecin, elle partit avec lui trouver le roi, déclarant qu’elle désirait se marier avec un homme aussi amusant et aussi savant. Le père étant charmé lui aussi accueillit volontiers la proposition de sa fille.

Ils firent des noces grandioses, qui agitèrent tous les environs dans un vacarme formidable, tandis que, depuis Béhorléguy jusqu’à Paris, tout le pays demeurait frappé d’admiration!

Comme vous vous en doutez, ils eurent par la suite toutes sortes de richesses et de bonheur.

Et s’ils vécurent bien, ils moururent de même.

Source: mes souvenirs d’enfance, de 1920 à 1930. famille Broussain/Harguindeguy, épicerie-auberge de Lécumberry.

Gizon zahar bat

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